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Burn out : pas de définition, pas de solution

Publié le 11/08/2016

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Considéré par certains comme le mal du siècle, le burn out -ou syndrome d’épuisement professionnel- ne fait pourtant l’objet d’aucune définition scientifique.

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Benoit DREUX, Me Marielle WALICKI, Margareth BARCOUDA et Patricia VAZZONE.

Documentaires, débats télévisés, conférences, le burn out aiguise l’intérêt des sociologues et autres psychologues stars des plateaux, des éditeurs évidemment, mais aussi -et c’est beaucoup plus légitime- celui des syndicats patronaux et de salariés. C’est que le phénomène semble exploser, ou bénéficie en tout cas d’une exposition grandissante. Des études sont publiées, avançant des chiffres sur la population susceptible d’être touchée par ce mal mystérieux (l’une d’elles évoque 12,6% des actifs français). Beaucoup d’attention donc, mais un sacré caillou dans la chaussure: le burn out ne fait l’objet d’aucune définition clinique, un obstacle à son diagnostic et donc à sa reconnaissance en tant que maladie professionnelle. Pourtant, la commission générale de terminologie et de néologie a bel et bien donné, dans son avis publié au Journal officiel le 24 octobre 2012, la définition suivante du syndrome d’épuisement professionnel, officialisé comme l’équivalent en français du terme burn out (en anglais, se consumer jusqu’au bout): «syndrome caractérisé par un état de fatigue extrême, tant physique que mentale, attribué à la profession exercée et aux conditions de son exercice», précisant qu’il est «à distinguer de la dépression, qui affecte le sujet de manière plus générale». «C’est la seule définition officielle, précise Me Marielle Walicki, sachant que la Haute autorité de santé est en train d’essayer d’en poser une». En juin dernier, l’avocate niçoise, membre de l’association Stop Burn Out, était conviée avec Margareth Barcouda, présidente et fondatrice, et Patricia Vazzone, consultante en ressources humaines également membre de cette association créée en 2015, par l’association HEC Alumni Côte d’Azur pour évoquer l’épineux sujet, notamment les actions de prévention à mettre en place au sein des entreprises.


L’association Stop Burn Out a pour objectif d’aborder le burn out en tant que problème de santé publique, de participer à sa reconnaissance, mais avant que ce syndrome ne soit reconnu comme maladie professionnelle,
il semble évident qu’il doive entrer dans un cadre scientifique sans lequel aucun médecin ne pourra le diagnostiquer. «La difficulté à laquelle nous sommes confrontés est de définir et appréhender le burn out, confirme Margareth Barcouda. Le terme burn out est désormais largement employé mais demeure une notion dont les contours restent à préciser. Cette absence de définition consacrée souligne la difficulté à laquelle est confrontée la communauté scientifique à nommer une réalité qui se trouve au croisement des domaines médical, psychologique et sociologique».  La présidente a d’ailleurs rencontré, avec Me Walicki, des scientifiques de l’Institut Pasteur pour évoquer le problème et presser la communauté médicale à enfin poser une définition du syndrome d’épuisement professionnel. Le phénomène touche un nombre croissant d’hommes et de femmes, parfaitement intégrés socialement. «Il touche surtout des sujets performants et sans passé physiopathologique et psychopathologique».

Les origines du mal

L’apparition et le développement du burn out sont intimement liés à l’émergence d’une nouvelle composante dans le processus de production des biens et des services dans le monde occidental, d’après Margareth Barcouda :
«les trois composantes jusque-là identifiées étaient formées par les hommes, 
les outils de production et le capital. Mais une nouvelle composante a été massivement introduite, c’est ce que nous appelons le temps compressé, qui a fait passer la production d’un objectif d’efficacité à un objectif d’efficience». De quoi compromettre l’homme, mais aussi in fine l’entreprise elle-même.
Le burn out -et la santé des salariés en général- mérite donc toute l’attention des patrons. «Aucun tableau de maladie professionnelle n’inclut le stress à l’heure actuelle. Les chefs d’entreprises paient 11Mds€ par an pour des gens en maladie. Si on incluait le burn out dans la grille, on ferait exploser les chiffres, souligne Patricia Vazzone. Et la Sécurité sociale serait encore plus impactée».

D’où l’intérêt de travailler en amont. «Il faut d’abord identifier les facteurs internes, note cette consultante RH : la personne doit être capable de gérer son propre stress, de se dire « je débranche, je ne lis pas mes mails, j’arrête de rentrer tous les soirs à 21h, de travailler le week-end ». Il est nécessaire aussi de faire la différence entre travail prescrit et travail réel : le travail réel est celui que vous effectuez, qui ne vous est pas forcément demandé mais ça vous intéresse, ça vous motive, alors vous avez envie d’en faire un peu plus. Et en pratique, on fait toujours plus que le travail prescrit». Et Patricia Vazzone de confirmer que ce sont toujours les personnes les plus investies dans leur travail, les plus engagées, qui seront fragilisées et sensibles au burn out.

Patrons, soyez vigilants !

Bien que les patrons de TPE (78% des entreprises françaises), qui exercent toutes les fonctions ou presque dans l’entreprise, soient eux-mêmes menacés par le burn out, les employeurs ont aussi l’obligation d’assurer la sécurité -physique et mentale- de leurs salariés. A eux de mettre le holà lorsqu’ils pressentent des facteurs de risque (sous peine, même si la jurisprudence est quasi-inexistante, de se voir mis en cause pour manquement à leur obligation de sécurité de résultat). Dans leur management d’abord, en revoyant l’organisation du travail, les délais, les process, «systématiquement passés au peigne fin dans ces situations», indique Patricia Vazzone. «Le salarié aura des moyens de preuve, notamment des plannings, ou des mails démontrant qu’on lui a demandé de faire un travail qu’il était dans l’incapacité de réaliser», explique Me Marielle Walicki. Le dirigeant doit aussi être capable de repérer ses salariés sur-investis : «l’employeur doit recadrer son salarié, lui dire par exemple que les mails professionnels doivent s’arrêter à partir d’une certaine heure, l’obliger à prendre ses congés, à respecter son temps de travail… S’il fait un certain nombre de mails en ce sens, l’employeur aura, devant un Conseil de prud’hommes puis une Cour d’appel, les moyens de prouver qu’il est de bonne foi, qu’il n’y a pas de faute inexcusable qui peut lui être reprochée, et que le salarié a fait une affaire personnelle de son sur-investissement».

Le retour dans l’entreprise ?


Après la tempête, le salarié victime de burn out fera vraisemblablement son retour dans l’entreprise (la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 mars 2013, a considéré que le licenciement d’un salarié en burn out pour désorganisation de l’entreprise était sans cause réelle et sérieuse). Mais huit personnes sur dix ne retournent pas à leur poste, et sont affectées à d’autres missions ou dans un autre service, indique Patricia Vazzone. «Le retour doit être préparé en amont, c’est indispensable, plusieurs mois sont nécessaires. Certains cabinets précisent qu’il est bon de faire un bilan de compétences avant de reprendre son activité, pour faire le point. Pour savoir justement vers quoi veut aller, si c’est n’est pas l’occasion de faire autre chose, ce qu’on a toujours eu envie de faire. Et si c’était l’occasion de donner une autre direction à sa carrière ?» Une chose est sûre, pour Patricia Vazzone, il faudra rééquilibrer les choses, la gestion du temps, la déconnexion, y compris s’orienter vers d’autres priorités, qu’elles soient associatives, familiales, sportives. «C’est un peu comme en informatique, il faut faire un reset. Après un burn out, le changement est inéluctable». Le syndrome d’épuisement professionnel est donc une question de santé publique qui, outre le dirigeant ou le salarié, impacte aussi le fonctionnement de l’entreprise. D’où, en attendant son hypothétique reconnaissance en tant que maladie professionnelle, une multiplication des initiatives pour mieux le faire connaître et le prévenir.
Dès octobre, l’UFR STAPS de l’Université Nice Sophia ouvre un nouveau diplôme universitaire en partenariat avec l’UPE 06. Ce DU Encadrement et promotion des techniques corporelles de gestion du stress professionnel poursuit deux objectifs : former à l’encadrement de techniques corporelles de gestion du stress, yoga, taï-chi et qi-gong et diverses techniques de respiration et de relaxation, ainsi qu’à la conception de programmes combinant ces activités dans le but de les adapter aux besoins du sport santé en entreprise, ainsi que former à la promotion dudit sport santé sur le lieu de travail, une thématique chère à l’UPE 06.

Lizza PAILLIER

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